Clarisse-Mariam : une vie tissée de voyages, de matières et de sens

Tout a commencé à Blain, là où elle a grandi. D’abord, de simples gribouillis dans les marges des cahiers pendant les cours trop longs... Puis, la fameuse boîte de chocolats de Noël, transformée en trésor rempli de petites fiches avec des modèles de robes. Ensuite, les cours de dessin, où elle apprend à croquer les corps nus, à sentir la forme et le mouvement.

Viennent alors les années « désenchantées », partagées avec d'autres âmes écorchées : artistes, musiciens, cinéastes, peintres, sculpteurs, poètes, acrobates... Elle, elle chantonne, elle peinturlure, elle modèle l’argile, elle danse.

De Blain à Nantes, de Nantes à Paris, de Paris à Saint-Malo, elle enchaîne un tour de France au rythme de son métier d’animatrice, tout en économisant… pour partir.

Ne sachant pas encore qui elle est, convaincue que sa lecture du monde est brouillée par ce que les puissants veulent nous faire croire, elle s’envole pour l’Afrique de l’Ouest : Lomé, Accra, Bobo-Dioulasso, Ouagadougou, puis Abidjan, Grand-Bassam, Bandiagara, Mopti, Koro... Pendant dix ans, elle vit, elle crée, elle se transforme, inspirée par la Terre-Mère et les Cieux africains. Elle y découvre le filage au village, initiée par des femmes, puis rencontre Mamoudou, Kader et Sambo Boly, qui lui transmettent l’art du bogolan, teinture végétale sur coton filé et tissé main.

C’est là qu’elle se reconnecte. Elle comprend enfin d’où elle vient, retrouve ses racines et le fil. Elle se sent missionnée : tisser un monde plus beau, plus juste. Transmettre. Valoriser les fibres animales et végétales, révéler les savoirs et les sachants, pour que les peuples restent souverains.

Puis vient l’atterrissage. De retour en France, elle devient maman et s’installe dans l’Aude. Elle se tourne vers les fibres locales, avec son amie Adriana. Ensemble, elles redécouvrent l’or blanc français : la laine. Une matière oubliée, négligée, souvent envoyée à l’autre bout du monde pour éviter de « polluer chez nous »… Elle apprend à tondre, carder, filer, matelasser, tisser… mais surtout, feutrer.

La laine feutrée, cette matière magique, peut couvrir une princesse ou isoler une maison. Elle se façonne, se sculpte, se dessine sans outils. Juste de l’eau chaude, du savon, des calculs, de l’huile de coude, et la magie opère : une création textile sans couture, éthique et poétique.

Aujourd’hui, après une pause durant ses années à Mayotte, puis en Guyane, c’est à travers Momand’lou que Clarisse renoue avec la création textile. Le fil, à nouveau, reprend sa place dans sa vie.